Mais qui est donc Laurie Andrieu ? Interview
Si vous suivez ce blog, vous avez sûrement déjà vu passer le nom de Laurie Andrieu, notre mystérieuse correspondante bruxelloise. Aujourd’hui, il est temps de tout vous révéler (ou presque) et de vous présenter officiellement cette improvisatrice multilingue qui fait partie d’Atlas au-delà de la frontière qui nous sépare de nos ami·e·s belges.
Vous pouvez trouver ici la version podcast de cet échange :
Hello ! Je voudrais te demander de commencer par nous parler un peu de qui tu es.
Je suis Laurie, j’habite à Bruxelles depuis trois ans mais je suis toulousaine à la base. J’ai étudié à Bordeaux, et c’est à Bordeaux que j’ai commencé l’impro.
Est-ce que justement, tu pourrais nous raconter ton parcours avec l’impro ?
Oui ! J’ai commencé, je pense, en 2011 ou … 2012 chez les Mandibouls, qui était l’équipe de Sciences Po Bordeaux. J’avais fait pas mal de théâtre avant, du théâtre normal à texte et … voilà, ça a été assez vite l’addiction donc l’année d’après, j’étais déjà dans des équipes, j’étais à la Lubie puis ensuite je suis partie de Bordeaux mais j’ai continué à faire de l’impro en Belgique. A Bruges il n’y en avait pas, parce que c’était pas francophone, donc j’ai créé un groupe d’impro que j’ai caché pendant un an parce que j’étais trop accro et qu’il me fallait un peu d’impro, quoi. Ensuite à Bruxelles, pareil, je me suis retrouvée dans plein d’équipes assez vite.
Tu peux expliquer aux gens qui connaissent Atlas et suivent le blog en quoi tu nous aides dans les activités de l’asso malgré ton existence bruxelloise ?
Alors … pas facile de s’impliquer à distance et de ne pas être là dans le quotidien d’Atlas, mais dès qu’on m’a parlé de cette asso, ça a tout de suite fait tilt parce que c’est vraiment le genre de projets que je cherche à développer, qui m’intéresse à fond pour faire du lien entre l’impro et le social. Du coup, les façons que j’ai trouvées pour m’investir à distance, pour l’instant, c’est participer un peu au blog en l’alimentant, et de mon côté ici, j’ai créé et développé un atelier d’impro avec DoucheFLUX, qui est une asso ici à Bruxelles qui s’occupe des sans-abri ou des personnes en situation de grande précarité. J’ai cherché des activités, j’ai lancé cet atelier d’impro, qui est mensuel, et on s’est rendu compte que ça correspondait tellement bien au projet d’Atlas qu’on a décidé de mettre nos forces en commun et d’intégrer ce projet-là dans Atlas. La convention de partenariat vient d’être signée entre DoucheFLUX et Atlas pour cette activité, donc c’est hyper cool. Moi ça me permet de tout le savoir immense d’Atlas en termes d’interventions avec des publics variés, vulnérables, etc, et à la fois ça me permet aussi de leur faire des retours sur comment ça se passe ici, dans ce type d’ateliers. Voilà, c’est que du win-win en fait, donc c’est top.
Qu’est-ce que vous avez déjà fait dans ce type d’ateliers ? Qu’est-ce que vous prévoyez de faire ?
Pour l’instant, malheureusement, par rapport à ce que j’imaginais, on n’a pas eu les mêmes personnes qui sont revenues à chaque fois. Et … bon, c’est aussi difficile pour deux raisons, je pense : déjà parce que c’est mensuel, donc c’est vraiment pas beaucoup, mais on voulait y aller tranquillement, pour d’abord tester et ne pas se lancer tout de suite dans de l’hebdomadaire ou quoi, et ensuite parce que, c’est ce que m’a dit la coordinatrice des activités à DoucheFLUX, vu que c’est un centre de jour où les gens viennent prendre des douches, faire des machines à laver et tout ça, c’est assez fréquent qu’ils soient pas forcément capables de revenir de façon récurrente à des activités qui sont proposées. Ils ont un quotidien très instable, donc elle disait que c’est assez normal de ne pas revoir les mêmes têtes. Pour l’instant, donc, ça a beaucoup été des ateliers d’initiation à l’impro, en fait, tous les mois avec des gens différents. Là pour la première fois, pour la dernière séance, on a eu quelqu’un qui est revenu, donc c’est cool aussi de se dire que … voilà, si jamais le bouche à oreille fonctionne et qu’on finit par avoir des gens qui reviennent, on va pouvoir aller plus loin que l’initiation. Mais pour l’instant, c’est de l’initiation avec l’idée que tout le monde peut venir peu importe la langue parlée. On voit vraiment sur le coup : s’il y a une majorité de francophones, on va faire un peu plus en français, s’il y a une majorité d’anglophones, on va faire un peu plus en anglais, et on a plutôt souvent des gens qui sont un peu aucun des deux, enfin dont la langue maternelle n’est pas le français ni l’anglais mais parlent un peu l’un des deux. On a beaucoup d’arabophones, donc voilà, ça arrive qu’on fasse des ateliers quasi trilingues, où on va dire les consignes une fois en français, une fois en anglais et demander parfois à un des participants de traduire en arabe pour les autres. C’est un rythme différent, au final, parce que tu te retrouves avec des ateliers qui sont plus longs, enfin plus lents puisque tu mets plus de temps à transmettre les consignes, et souvent à montrer les choses plusieurs fois si on n’est pas clairs sur le vocabulaire. C’est un rythme particulier, mais pour l’instant ça a toujours été hyper fun, j’ai toujours vu les participants être impliqués à fond, se marrer, assez vite jumper dans l’énergie impro alors qu’ils en avaient jamais fait, donc c’est encourageant … et même parfois se lancer tous seuls dans des impros. Par exemple, on a beaucoup fait des tableaux en fin d’atelier, en se disant « Ah, ce serait cool si avec ces tableaux, on créait un premier pas dans l’impro, en créant des événement etc », et en fait les participants l’ont fait tous seuls. On avait un tableau à la plage, il y en a un qui a commencé à faire semblant de se noyer, un maître nageur est allé le sauver, etc. Sans même qu’on ait besoin de mettre ça en place, il y avait cette envie-là de faire des scènes, quoi, c’était hyper chouette à voir.
Est-ce qu’à l’inverse, tu as déjà senti un exercice qui ne prenait vraiment pas du tout et où du coup, on abandonne et on passe à la suite ?
Oui. Je pense qu’il y a déjà eu ça. On s’est vraiment rendu compte que la gestion de l’énergie était hyper importante. Il y a eu des fois, par exemple, où j’ai proposé trop d’exercices hyper physiques et en fait, tout le monde était hyper fatigué, donc il y a un moment où il fallait faire un truc plus calme. Moi j’étais tellement dans l’excitation, parce que c’était dans les premiers ateliers, que je ne me suis pas rendu compte que tout le monde était fatigué *rire*. Mais là du coup, j’étais avec des amis qui sont avec moi, qui me soutiennent dans le projet - c’est pas toujours les mêmes, on est un petit groupe à tourner pour aller aux ateliers - qui étaient là pour me dire « Là Laurie, il faut faire un truc plus calme, tout le monde est fatigué », donc ça c’est cool, d’avoir plusieurs points de vue et pas être tout seul, parfois, on se rend pas compte des choses. Et sinon, il n’y a rien qui n’a pas du tout marché, on s’est rendu compte qu’il y avait parfois des exercices qui mettaient des obstacles. Par exemple, dans un des premiers ateliers, on avait un exercice où il fallait juste se dire bonjour, mais ça pouvait être en se serrant la main, en se faisant une accolade, etc, et on s’est rendu compte que les filles étaient pas à l’aise. On avait qu’une ou deux filles, je pense, mais du coup elles ont arrêté direct l’exercice parce qu’elles n’avaient pas envie de contacts physiques - en tout cas, on l’a interprété comme ça et on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse attention, on est avec des gens qui n’ont jamais fait d’impro : on n’est pas dans le milieu magique de l’impro où se toucher, c’est normal parce qu’on est dans un groupe qu’on connaît, dans lequel on a confiance. Prendre ça en compte, aussi, c’est assez important et on s’en rend pas compte quand on est habituée à coacher ou à évoluer que dans des groupes qui se connaissent ou qui sont des improvisateurs déjà bien immergés.
Comment on fait pour surmonter la barrière de la langue dans l’impro ? C’est un peu la grande question d’Atlas, est-ce que toi tu as une réponse à ta sauce à apporter à cette question ?
Oui ! Je pense qu’on joue juste avec autre chose, en fait, et … comme l’a dit mon ami Flavien Reppert que j’avais interviewé pour le blog, je crois qu’il a tout-à-fait raison en fait : ne pas maîtriser la langue, parfois, ça t’aide à être un meilleur improvisateur parce que tu prends les bons réflexes d’impro, qui sont d’arrêter de trop parler, tu te concentres plus sur l’autre, tu utilises plus ton corps, etc. Moi je le vois dans les ateliers qu’on fait à DoucheFLUX, par exemple, pour l’instant j’ai l’impression que c’est pas un problème. Alors, bien sûr, on choisit des exercices où la langue n’est pas importante, parce que là justement, comme là c’est le début, on veut vraiment que tout le monde soit hyper à l’aise et pas créer de doute ou de timidité par rapport à la langue. Mais justement, je trouve que ce qui a hyper bien marché dans ces ateliers c’est par exemple les tableaux, où on voyait directement des super belles situations naître et un langage commun. Enfin voilà, si on fait un tableau à la plage, peu importe que tu parles, tu sais ce que c’est la plage. Et ça va plus loin que ça : si tu vois quelqu’un pleurer, tu comprends qu’il est triste, en fait, t’as pas besoin de mots, et tout ça, ça peut s’explorer à fond dans l’impro. Finalement, la plupart du temps, les mots sont superflus dans l’impro.
Comme tu as aussi un parcours d’improvisatrice à l’international, est-ce que ça t’a aidée dans ta progression ?
Tu veux dire, d’avoir fait de l’impro dans plusieurs pays ?
Oui, c’est ça, d’avoir un peu décentré ton regard.
Je pense que oui, c’est clair. Après, c’est vrai que je pense que c’est peut-être … j’ai l’impression que c’est plus facile maintenant. Je pense à la première fois que j’ai fait de l’impro en espagnol alors que j’étais pas à l’aise en espagnol et qu’en plus j’étais une jeune improvisatrice, je souffrais un peu dans les ateliers. Bon en plus, c’était des ateliers où on était trois, donc c’était pas facile de se reposer sur les autres et c’était très, très fatiguant mais … j’ai l’impression que j’ai peut-être compris des trucs aujourd’hui que j’avais pas compris avant qui font que je m’en fous un peu de bien parler la langue ou pas. Je pense qu’avant, ça me stressait plus. Pourquoi, je sais pas trop, mais ouais, c’est peut-être justement d’avoir testé de plus en plus de trucs dans différents pays qui a aidé à ça. Je trouve que ce qu’il y a de cool en Belgique, c’est qu’il y a … enfin, en tous cas Bruxelles est une ville hyper internationale, donc tu sors un peu du cadre franco-français ou francophone, et il y a beaucoup de troupes anglophones qui sont un mix de plein de gens de nationalités différentes qui font tous de l’impro en anglais et en fait, ça pose de problème à personne ici, c’est hyper normal, donc c’est aussi agréable de voir ça et de le considérer de plus en plus comme un truc normal.
Dans ton interview avec Flavien Reppert, tu disais justement que tu allais faire ton premier spectacle d’impro en anglais ; comment ça s’est passé ? Est-ce que tu l’as refait depuis ?
Alors, je n’en ai pas refait depuis, on est en train d’essayer d’organiser le prochain mais on a des problèmes d’agenda, ce sera peut-être pour avril. Ca s’est hyper bien passé, j’étais trop contente en fait, parce que … voilà, Flavien avait vraiment raison, je crois qu’on se sent forcément différent dans une autre langue, je pense que tout le monde a ressenti ça : quand on parle une autre langue, on a l’impression d’avoir même une personnalité différente, parfois. Je trouve que c’est pareil en impro, j’avais l’impression de ne pas être la même comédienne, mais en fait c’était chouette, j’ai eu l’impression d’avoir découvert une nouvelle improvisatrice. Je me sentais peut-être un peu plus audacieuse, un peu plus folle, et c’était hyper chouette. Donc ça a été plutôt une belle expérience, une fois le stress du début passé, de se lancer dedans, de ne plus réfléchir et d’y aller, d’être à fond dans le moment.
Est-ce que dans ce spectacle, il y a un moment qui t’as particulièrement marquée dont tu voudrais parler ?
Ouais, il y a eu plein de beaux moments, mais il y a eu un moment karaoké par exemple, des personnages. Et j’ai trouvé ça hyper cool parce que pareil en fait, c’est un truc hyper international, il n’y a pas besoin de références particulières : on ne chantait pas des vraies chansons, on chantait des chansons inventées, improvisées. Finalement c’était hyper facile de se trouver plein de références communes, du coup j’étais avec un Italien, une Maltaise, un Flamand et une autre Française. Ça restait assez européen, etc, mais voilà, c’était chouette de pouvoir jumper comme ça dans des trucs communs où l’on a même pas à se demander « Tiens, est-ce je chante bien, etc », non, c’est bon, c’est du karaoké, c’est de la chanson, c’est cool.
C’est quoi la suite pour toi ? Toujours ces ateliers à développer avec DoucheFLUX en partenariat avec Atlas, tu dis que tu continues à jouer, est-ce que tu as d’autres trucs sur le feu ?
Là j’ai aussi commencé à coacher en anglais, donc ça c’est un beau challenge aussi. Je trouve que c’est peut-être plus dur de coacher en anglais que de jouer en anglais, mais c’est cool parce que je me retrouve avec des élèves de plein de nationalités. Et voilà, aller un peu plus dans ce développement de l’impro pas qu’entre français, et ensuite sinon, je vais participer à un festival international en avril, même s’il est en France c’est un festival international parce qu’il y a plein de monde, c’est le Subito qui est à Brest. Je joue là-bas, donc je suis hyper contente d’avoir cette opportunité là. Et voilà, pour l’instant c’est tout, continuer les projets de l’année, et puis penser aux projets de l’an prochain, déjà, parce que ça arrive vite.
C’est déjà pas mal ! *rire* Est-ce qu’il y a d’autres sujets que tu aurais envie d’évoquer ou de partager maintenant, spontanément ?
Pas trop, je sais pas … enfin si, il y a quelque chose qui m’intéresse, mais j’ai pas encore commencé à creuser ça : ce serait d’utiliser l’impro pour faire des interventions auprès de jeunes, ce qu’on appelle des jeunes un peu « à problèmes », en gros des jeunes qui passent par des crises de quelque nature qu’elles soient, ou avec des personnes handicapées, avec des personnes qui sont plus fragiles psychologiquement, etc. C’est quelque chose que j’aimerais bien creuser aussi et je sais que ça existe, en tout cas en Belgique il y a des choses qui se font et c’est ça qui m’intéresse, même si pour l’instant ce n’est qu’au stade d’idée et d’envie.
C’est chouette d’avoir ce genre d’envies ! Sauf si tu as encore quelque chose à partager, on peut peut-être s’en tenir là.
C’est bon pour moi.
Eh bien en tout cas, merci à toi.
Merci à toi, c’était cool ce petit chat !