"Dédramatiser l'échec" avec Guillaume Coeymans
Bonjour Guillaume ! Alors, première question : est-ce que tu peux nous dire un peu qui tu es ?
Bonjour, je suis Guillaume Coeymans, j’ai vingt-huit ans, bientôt vingt-neuf. A la base, je suis chargé de communication, développeur web et j’en suis à ma … septième année d’impro, je crois. J’ai commencé dans les troupes étudiantes il y a bien longtemps, et suite à ça je suis passé dans une troupe un petit peu plus avancée, dans laquelle j’ai un peu fait mon trou. C’est la troisième année où je donne régulièrement des cours d’impro. Voilà, à peu près.
Tu donnes des cours plutôt sur Bordeaux ou ailleurs ?
Principalement sur Bordeaux, j’ai eu parfois la chance de donner des cours en Gironde, aussi sur Toulouse et un petit peu sur Paris quand j’y suis passé, mais c’est principalement sur la région bordelaise. Au début, je donnais des cours dans la troupe où j’étais, et depuis cette année je suis parti un peu plus en indépendant entre guillemets, et je viens où on me sollicite sur différents sujets. Ça dépend vraiment de ce que les gens cherchent et de ce que les gens sont prêts à me demander.
Est-ce que tu peux me dire un petit peu de quoi tu vas nous parler samedi, pour l’atelier ?
Alors samedi … En fait, quand Atlas m’a contacté pour que je propose un atelier, elle [Maya] m’a parlé de toute la partie interculturalité (il s’y reprend à trois fois pour le prononcer et rit), essayer d’aller un peu plus loin que juste faire de l’impro, et du coup j’ai réfléchi à ce que je pouvais proposer. J’ai, dans ma famille très proche, des gens qui ne sont pas de ma culture, mais alors pas du tout, pas de ma culture, pas de mon pays, pas de ma nationalité, pas de ma langue, et lorsque je me suis retrouvé dans ces pays-là, j’ai très souvent eu peur de faire un impair, de faire quelque chose de mal, de rater quelque chose, une petite chose qui moi me paraissait anodine mais qui en fait pourrait être mal interprétée. Je me suis dit que mettre ça en parallèle avec l’apprentissage de l’impro où parfois, quand on débute, on a beaucoup peur de faire une erreur, on a peur de mal faire, on a peur de rater et de gâcher l’impro, ça pourrait être un axe de travail intéressant. Je me suis dit que j’allais travailler sur cette idée de … c’est pas tant de vaincre la peur de l’échec, parce qu’elle existe toujours, mais d’aller au-delà et de se demander si on échoue, qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on peut faire avec ça et comment on échoue, comme je le dis souvent, “avec force et gloire”.
Comment on fait pour échouer “avec force et gloire”, alors ?
Il y a plein de façons ! Déjà, en fait, la chose qui est simple c’est qu’il faut assumer. Surtout se dire que quand on est sur scène, en fait, le public voit. Donc si on se trompe, on se trompe. C’est pas grave, le public le sait, le public l’a vu, nous on le sait, nous on l’a vu alors autant … accentuer son échec, si par exemple je m’entrave, voilà, autant y aller à fond et en rajouter des caisses. L’essentiel, c’est de ne pas nier ce qu’il se passe, de ne pas nier ce qui se joue. Si on bégaie, comme je l’ai fait tout à l’heure, eh bien c’est pas grave, maintenant notre personnage va bégayer et vous allez voir qu’on va s’emmener dans des endroits où on ne pensait pas aller. Et pour ça, pour moi, il n’y a pas d’autre solution que d’apprendre à échouer, donc on va faire beaucoup d’exercices qui ne sont pas réalisables. Leur consigne, c’est d’échouer à l’exercice, et en fait on va voir qu’on va apprendre à jouer avec ça.
Est-ce que tu as un exemple de ce genre d’exercice ? Comment on pose une consigne qui ne peut pas être accomplie ?
Alors, il y a deux façons de faire : soit on est honnête et on dit “Vous n’allez pas y arriver”, mais il y a un risque que certaines personnes se braquent en disant “Mais si on ne peut pas y arriver, ça sert à rien”, soit on est un petit peu filou et on ne dit pas exactement quel est le vrai objectif. Par exemple, j’ai un exercice qui est extrêmement simple, c’est un exercice d’échauffement comme on dit. L’exercice consiste à compter jusqu'à trois, mais à deux personnes sauf qu’il ne doit y avoir ni temps mort, ni respiration, ni hésitation, et il faut aller le plus vite possible. Et en fait la consigne, c’est presque physiologique, fait chauffer le cerveau, parce qu’on ne peut pas aller aussi vite, même sur une consigne aussi simple. Et du coup, on va se tromper à un moment, et à partir de ce moment-là il faut se dissocier, se dire “Eh, on s’est trompés”, et le but après c’est d’aller gêner les autres pour qu’eux aussi se trompent, rigolent du fait de s’être trompés, et aillent embêter les autres. Il y a aussi des exercices très simples où il y a un personnage qui doit quitter la scène, qui veut quitter la scène, la scène s’arrête quand le personnage est sorti de la scène, et l’autre ne veut pas qu’il quitte la scène. Sauf qu’il y en a un qui a un avantage énorme, c’est qu’il peut se lever et partir. Donc voilà, il faut apprendre à jouer avec ça.
Comment tu en es venu à t’intéresser à cette histoire de dépassement de l’échec ? Est-ce que c’est quelque chose que tu mets en oeuvre d’une manière ou d’une autre ?
Je suis quelqu’un qui … quand j’étais plus jeune improvisateur, je n’étais pas très bon apprenant. J’aimais pas l’échec, j’aimais pas trop ça, ça m’agaçait. Mais bon, ça m’intéressait pas plus que ça, et puis j’ai eu l’occasion de rencontrer Mark Jane, un improvisateur franco-anglais parisien avant son spectacle et avec lequel j’ai eu l’occasion de discuter assez longtemps. Il venait de sortir un livre, La Boîte à outils de l’improvisation, et dans son livre il y a toute une partie sur l’échec justement, sur le dépassement de l’échec et cette façon de jouer avec ça. Ça m’a beaucoup parlé, en fait, alors on va bâtir sur son livre, sur cette discussion et sur ce que moi j’ai apporté après à sa philosophie.
Est-ce qu’il y a d’autres choses que tu voudrais partager ?
Là comme ça … Moi ce que je trouve intéressant avec ces ateliers thématiques, en fait, c’est qu’il y a un thème sur lequel il faut qu’on reste parce qu’on est là pour ça, pour travailler ça, mais qu’en fait c’est toujours l’occasion de soulever énormément de choses. Il y a fort à parier qu’on parle aussi de ce que j’appelle parfois la “malice”, c’est-à-dire le fait de s’amuser à mettre des peaux de banane aux autres pour les faire échouer, et à voir comment on réagit à ça et comment on construit ça, on va aussi parler de la construction d’une histoire, comment on construit une histoire, quels sont les éléments qu’il faut. Voilà, on va apprendre plein de choses à travers ce prisme de l’échec et de son dépassement, et on va essayer de tirer plein de fils à partir de ça. Enfin, si tout va bien.
J’espère que tout se passera bien ! Et dans le pire des cas, ce sera justement l’occasion de travailler sur l’échec.
Oui c’est ça qui est intéressant ! Déjà, moi j’apprendrais des choses, si ça ne se passe pas bien, et ensuite surtout c’est une façon de travailler que moi je n’ai jamais vue en dehors de ce que Mark fait ou de ce que moi je fais, donc qu’on soit très expérimenté ou complètement débutant, on va y trouver son compte, on va apprendre des choses. Mais on ne va pas les apprendre et les appréhender de la même façon.
C’est chouette, parce que justement dans ces ateliers là il y a des personnes qui ont fait beaucoup d’impro tout comme des personnes qui n’en ont encore jamais fait.
C’est un petit peu ce dont on avait parlé avant, et c’est pour ça que j’ai essayé de construire ça comme ça. Après, j’ai une façon de faire aussi où j’essaie d’identifier rapidement quelles sont les personnes dans le groupe, quels sont les niveaux des gens et à quel niveau je peux intervenir. Par exemple, je ne vais pas parler à quelqu’un qui est très expérimenté de la même manière qu’à un débutant. On va aussi essayer de travailler ça, comme ça chacun y trouve son compte.
Est-ce que tu as un parcours particulier avec les langues étrangères ? Quelles langues tu parles, si tu en parles d’autres que le français ?
Alors … oui *rire*. J’ai un parcours un petit peu atypique, dans le sens où j’ai fait quatre ans de sciences du langage, d’études de linguistique pures et dures. J’ai appris à travailler sur beaucoup de langues, mais j’en parle très peu. Je parle anglais à peu près correctement, j’ai des notions d’espagnol, parce que ma mère est espagnole donc c’est une langue que j’ai beaucoup entendue. Après dans mon cours de sciences du langage, j’ai appris à décoder les langues, pas en tant que comprendre ce qui se dit mais comprendre comment elles fonctionnent. Quelque part, apprendre à être un mécanicien de la langue sans forcément savoir conduire la voiture … je ne sais pas si mon image est claire. Et j’ai eu l’occasion de travailler sur … (le bruit d’un jingle SNCF nous interrompt et une voix électronique annonce un retard).
Voilà, il faut savoir jouer avec les aléas …
Oui, quelque part il faut savoir jouer avec ces aléas-là. Donc, j’y reviens, j’ai pu travailler sur du polonais, sur du basque, sur du lingala qui est une langue d’Afrique, j’ai eu cette chance-là et ça a beaucoup ouvert mon esprit et ma vision sur les langues. Par exemple, sur ce que c’est vraiment une langue et quelle est l’importance de l’écrit par rapport au parlé, des choses comme ça qui font que j’ai appris beaucoup de tolérance là-dessus.
Est-ce que c’est quelque chose que tu as déjà eu l’occasion de mettre en oeuvre dans l’impro ?
Dans l’impro, pas vraiment, dans le sens où … dans l’impro, on a un défaut, c’est-à-dire qu’il faut qu’on soit immédiatement compréhensibles par le public. On a besoin d’être efficaces très rapidement, du coup on peut pas … c’est difficile de déconstruire des idées préconçues ou de mettre en scène la déconstruction d’un langage ou des choses comme ça. Dans l’impro, si l’on commence à expliquer que l’usage prévaut sur la norme, personne ne comprend ce qu’on raconte, alors que si l’on se moque des fautes de grammaire des autres, ça marche beaucoup mieux. C’est pour ça qu’en impro, c’est assez délicat. Alors bien sûr, je le distille parce que ça fait partie de moi, je le distille au fur et à mesure. En impro non, et donc ça peut être une occasion intéressante de travailler avec un public multilingue.
Est-ce que tu as déjà eu l’occasion de jouer dans une autre langue ?
Jamais vraiment, non, en toute honnêteté. Pourquoi pas, à l’avenir.
On peut peut-être s’en tenir là, sauf si tu as d’autres choses à dire.
Non, à la limite je peux évoquer le fait que j’ai un site sur lequel j’écris un petit peu autour de l’impro, qui s’appelle impropulse.fr où vous pouvez retrouver une partie de ce que j’ai dit là et ce que je dis en général dans mes ateliers. C’est mon instant pub
On ira voir alors ! A samedi, et merci à toi.
Bonne soirée, et à samedi !