Un·e improvisateur·ice, trois exercices : Baptiste

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Alors aujourd’hui, je vais parler avec Baptiste qui va nous confier ses trois exos fétiches. Dans un premier temps, Baptiste, c’est quoi ton parcours d’improvisateur ?

Bonjour ! Merci de me recevoir aujourd’hui. Moi ça fait … peu de temps, trois ans que je fais de l’improvisation, mais du théâtre davantage, ça doit faire une quinzaine d’années. Je suis arrivé à la Lubie il y a deux ans, et j’ai repris la tête à la suite d’Alban, en tant que président l’année dernière. Je suis amené cette année à donner quelques cours. 

Ok, super. Dis-nous ton premier exercice : comment il s’appelle, s’il a un nom ou si tu lui donnes un nom particulier.

Il a un nom : c’est un exercice d’échauffement que j’aime bien, il s’appelle le fœtus.

Est-ce que tu peux nous dire en quoi il consiste ?

Bien sur. En fait, c’est un exercice qui se base sur la respiration ventrale dans un premier temps. Allongé au sol, calmement, sur une respiration par le ventre, un relâché inspire/expire. Le but c’est de se détendre au maximum et de remonter ensuite en passant par une position foetale mais avec le moins de muscles et le moins d’effort possible.

Alors justement, la question suivante : pourquoi tu aimes cet exercice, et qu’est-ce qu’il apporte aux improvisateurs ?

Alors pour moi, cet exercice est primordial parce que c’est un exercice qui permet de se relâcher complètement, de transitionnel entre le moment où on n’est pas dans l’atelier et le moment où on entre dans l’atelier en laissant se décomposer tout ce qu’il y avait autour pour rentrer véritablement dedans. On relâche tout et on se crée un petit cocon, en quelque sorte, puis on en sort juste après. Il y a une sorte d’éclosion qui permet, pour moi, par la tranquillité et le relâchement, dans de bonnes conditions et de bonnes dispositions pour jouer. Plus le travail sur la respiration, qui permet aussi de lancer sur une bonne condition de voix, de concentration et d’attention. 

Moi je le connais aussi sous le nom de « passage à vide », pour passer de ta journée où tu as eu quelques contrariétés et d’être plus libre pour les exercices qui vont suivre. Tu le fais à quel moment de l’atelier ? Est-ce que tu le conseilles à un certain groupe, un certain niveau ?

C’est un exercice d’échauffement, plutôt, vraiment de début d’atelier. On commence par ça, on peut s’énergiser ensuite et je dirais pour tout niveau. Peut-être même conseillé pour débuter directement, c’est apprivoiser sa respiration tout de suite, et ça ne peut être que bénéfique dès le début et en poursuivant le plus longtemps possible. A mon avis, c’est pertinent tout le temps.

Et il a aussi l’avantage d’être un exercice qu’on peut faire en très grand groupe.

Oui, aussi.

Dernière question, la touche Atlas pour finir : utilise trois mots pour décrire cet exercice.

Trois mots, trois mots … Seuil, concentration et en troisième, relâchement.

Parfait ! Sans transition, on va passer au deuxième exercice : est-ce que tu peux nous dire comment il s’appelle ? 

C’est un exercice qui n’a pas spécialement de nom, ou alors il en a un mais je l’ignore. Cette fois-ci, c’est un exercice en solo ou presque. On a un improvisateur qui joue, pour un temps donné, et trois autres personnes vont lui donner respectivement un métier, une émotion et une action. L’improvisateur doit faire la synthèse de ces propositions et les faire deviner aux autres membres du groupe.

Donc c’est un jeu où on doit faire deviner des choses au reste du groupe.

Exactement.

Si tu devais lui donner un nom pour passer à la postérité, qu’est-ce que ce serait ?

S’il devait passer à la postérité, je dirais le « Syncopator 7000 ».

Ok, il n’est pas prêt de passer à la postérité avec ce nom *rires*. Je pense que c’est assez clair, juste une petite précision : la personne qui joue, une fois qu’elle a toutes ces informations, elle joue seule et elle raconte, elle a un personnage … ?

Elle l’incarne, le but c’est précisément d’incarner son émotion et de faire passer de manière indirecte, on ne va pas entrer en disant « je suis banquier et je suis en train d’écrire une lettre », ça n’aurait pas de sens. Le but c’est d’essayer de le faire passer de manière subtile et d’accrocher toutes les choses qui pourraient faire exister le personnage proposé complètement, dans son essence.

Ça ne passe pas que par la parole, alors, ça peut aussi être la gestuelle etc.

Non, effectivement. Ça passe peut-être même plus par la gestuelle que par la parole.

Il s’agit de poser un univers et de jouer dedans ensuite ?

Voilà.

Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans cet exercice ? Qu’est-ce qu’il apporte aux improvisateurs ?

Déjà, j’aime bien les exercices solo, parce que je trouve que ce sont des moments importants dans l’atelier pour essayer d’en apprendre plus sur soi en tant que comédien. C’est le moment où on a le temps d’incarner les personnages, de les poser et de travailler minutieusement sur ce qu’on peut proposer en tant que comédien individu, si on peut le dire comme ça. Si j’étais professeur de pédagogie, je dirais que c’est une tâche complexe, mais il rassemble plusieurs choses qui ne vont en apparence pas ensemble, donc il faut absolument arriver à les concilier. C’est à la fois un défi assez conséquent et l’occasion de mélanger plein de choses qui n’auraient pas été mélangées.

Ça permet de développer différents aspects du jeu de comédien.

Oui, ça ressemble tout ça et ça permet au comédien de travailler sur son jeu, et pour le jeu de découvrir des situations, des univers.

Est-ce que tu trouves, comme dans certains exercices, que le fait d’imposer le personnage, différentes choses, marche mieux, ou quand c’est le comédien qui choisit lui-même les choses à deviner ?

Je pense que ça marche dans les deux sens, mais ici en l’occurence, le fait d’imposer des choses sans se concerter, est d’autant plus productif et permet par la suite au comédien de pouvoir proposer des personnages ou des caractères plus colorés, justes et hors du commun.

Le fait que ce soit d’autres personnes qui donnent ces mots donnent plus de chances pour que les propositions n’aient rien à voir ensemble et que le comédien se pose moins de questions, réfléchisse moins et joue plus spontanément.

Oui, et il y a un autre aspect : le groupe a une participation aussi, donc il y a ce côté un peu ludique de l’implication du groupe qui doit deviner ce qui a été proposé. Il y a cette dimension … pas de jugement, mais d’appréciation de la prestation qui permet aussi d’avoir un retour sur ce qu’on a fait.

Ok, très bien. Du coup, cet exercice, tu le fais à quel moment de l’atelier, avec quel niveau ?

Je pense que ce n’est pas un exercice d’échauffement, mais premier tiers de l’atelier, disons. C’est dans la phase d’apprentissage de l’atelier, avec d’autres exercices qui peuvent être orientés dans la même direction. 

En tant qu’intervenant sur ce genre d’exercice, j’imagine que le débrief est important ?

Oui, le débrief est très important : c’est davantage un débrief collectif, et c’est l’occasion de prendre du recul sur sa propre prestation et c’est là qu’on peut s’améliorer, faire un pas en arrière et véritablement observer la minutie dont je parlais avant

Pour finir, trois mots pour décrire cet exercice ?

Tu me prends un peu au dépourvu, comme pour le premier … Je dirais synthétique, exigeant et ludique.

On va passer à notre troisième exercice : est-ce qu’il a un nom, celui-là ?

J’hésitais entre deux exercices et je vais prendre le deuxième même si j’aime aussi le premier. C’est un exercice de service. Il était en concurrence, dans mon esprit, avec un exercice de mime, parce que j’ai une affection particulière pour le mime.

Il s’appelle comment ?

Il n’a pas d’autre nom que le service, on peut l’appeler le Federer si on veut avoir un jeu de mot tennistique.

Ok, va pour le Federer alors *rires*. Le Federer, en quoi ça consiste ?

C’est un exercice qui pourrait prendre sa base dans la catégorie boulevard. Le but du service en improvisation, c’est de venir en soutien à l’histoire principale, au héros de l’action, et de venir proposer des choses pour que les héros puissent avancer le mieux possible. On se met au service des personnages principaux et au service du jeu, de l’histoire. C’est dans ce sens-là que j’entends le mot. L’idée c’est de proposer une scène d’inspiration boulevard, puisque c’est dans cette catégorie que ça marche le mieux et que c’est le plus facile.

Est-ce que tu peux définir rapidement une scène de boulevard pour les gens qui ne verraient pas à quoi ça ressemble scéniquement ?

Scéniquement, c’est une pièce, en général un salon, où il y a beaucoup de passage, et l’intrigue tourne autour du noeud bourgeois de la famille. C’est souvent des histoires d’argent, de moeurs, des choses très familiales, comiques et rapides. Il y a beaucoup d’entrées et sorties. 

Et donc, si je résume, une même unité de lieu, des comédiens qui rentrent et qui sortent, et l’exercice consiste à faire des passages, à gérer les rythmes, c’est ça ? 

C’est ça, c’est encore un exercice assez complet, sauf que cette fois il serait plutôt à proposer en milieu fin d’atelier. Ce serait plutôt la construction d’une petite scène thématique boulevard au début, et ensuite enchaînement de services, de passages, presque forcé et exagéré, surjoué sans laisser de répit aux comédiens. Il faut rentrer, il faut faire tourner la boutique.

Qu’est-ce qui te plaît spécialement dans cet exercice ? Qu’est-ce qu’il apporte ?

Ce qui me plaît dans cet exercice, comme tu le soulevais tout à l’heure, c’est la dynamique, le rythme, apprendre à sentir le rythme et les rebonds possibles de l’histoire. C’est aussi un exercice de sprint, on peut avoir l’habitude de faire des exercices d’endurance mais là il faut vraiment que ça avance, apprendre à être en permanence concerné par l’histoire et ce qu’il se passe. C’est presque comme à l’escalade, on doit trouver la bonne prise, il faut garder le focus sur ce qui est en train de se passer. Le comédien sur le banc est aussi responsable de ce qui est en train de se faire sur le plateau donc il faut conserver l’investissement et l’attention en permanence.

Il y a une gestion d’équilibre et de groupe de la part de tout le monde, puisque on ne peut pas tous rentrer en même temps il faut gérer les entrées et sorties pour garder le rythme d’une part, et pour ne pas surcharger le plateau de l’autre.

C’est ça. Quitte à mettre une contrainte de temps, d’ailleurs sur les entrées et sorties. On peut dire qu’il faut maximum trois personnes sur le plateau, et que toutes les trentes secondes il faut une entrée et une sortie, ça peut être une variante possible et intéressante.

C’est exactement ce que j’allais te demander : limiter le temps pour les forcer à être dynamiques et petit à petit, relâcher les barrières pour qu’ils automatisent tout ça. 

Souvent, ça donne des résultats d’une histoire assez abracadabrantesque, mais quelque part on peut être prêt à sacrifier ça tant que la dynamique fonctionne. 

A quel moment de l’atelier, et à quel niveau tu conseilles cet exercice ?

Pour le moment, je dirais milieu/fin même si j’avais déjà un peu répondu. Il faut un niveau déjà assez avancé, avoir des bases solides sur la construction de l’histoire, le rôle du personnage, etc, pour pouvoir profiter au maximum de cet exercice.

C’est un exercice qui peut être particulièrement bien en spectacle, vu que la dynamique correspond bien.

C’est un peu cabaret, mais en spectacle ça peut très bien marcher.

On va finir avec les trois mots pour décrire cet exercice.

Eh bien … cette fois-ci, je pense que je vais dire dynamisme, rythmique qui fait peut-être un peu doublon, et concentration.

Ok, très bien ! On a tes trois exercices, donc merci Baptiste d’avoir répondu aux questions.

C’était un plaisir !

Un plaisir partagé, je te rejoins sur pas mal d’exercices. Le côté dynamique, l’investissement de l’improvisateur, c’est quelque chose qui est important et j’aime beaucoup les impros à un joueur parce que ça permet de révéler des choses. A débriefer, c’est toujours très intéressant. Merci pour tout ça !